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Diamants, tourmalines, aigues-marines : le boom des pierres de seconde main

La mode raffole des vestes en denim recousu et des jupes en sequins récupérés ; le design se pique de rhabiller des fauteuils en vieux velours inexploité ; la gastronomie valorise dans ses plats épluchures et écorces autrefois destinées à la poubelle… Mais, à l’heure du surcyclage généralisé, la joaillerie demeure en retrait. Certes, diverses plateformes de revente (Castafiore, Caillou Paris, Noir Carat…) permettent d’acquérir des bijoux déjà portés, mais la quasi-totalité des marques contemporaines élaborent toujours leurs collections à partir de pierres neuves, fraîchement minées plutôt que vintage.
L’aspect ne devrait pourtant pas être un frein. Si certaines gemmes, travaillées dans des tailles anciennes (avant le début du XXe siècle), peuvent avoir moins d’éclat à cause de leur facettage, retailler et repolir une pierre peut lui redonner un coup de frais. « Parce que j’exige un niveau homogène de couleur et de brillance, vous ne verrez pas de différence à l’œil nu entre les diamants récupérés de mes bijoux et des diamants de mine. Mais vous contribuerez à soutenir une création circulaire », avance Héloïse Schapiro, ex-cadre en marketing passée par Chaumet, Louis Vuitton et Chanel, et fondatrice d’Héloïse & Abélard.
Créé en 2019, ce label façonne, à la commande et sous quatre semaines, de fines bagues ou boucles d’oreilles en or constellées de petites pierres récupérées – ce sont essentiellement des diamants et, depuis peu, quelques tourmalines indicolites (indigo). Alors que les grandes maisons font exécuter un bijou en milliers de reproductions standardisées, ce qui ne les incite pas à se tourner vers une matière première vintage hétérogène, Héloïse Schapiro l’admet : « La création, chez moi, est à la merci de ce que je déniche. »
Elle rachète des bijoux anciens aux enchères et les « désosse » pour en conserver les diamants ou pactise avec des petits ateliers de joaillerie indépendants à Paris qui lui fournissent des diamants inutilisés. « Si j’ai tout à coup beaucoup de diamants de taille “brillant”, de 2 millimètres de diamètre, je vais imaginer un modèle qui les mette en valeur », explique-t-elle. Autant dire que l’adaptabilité est de rigueur.
« Travailler avec des pierres vintage complique un peu les choses, mais je n’en tire aucune frustration : le bon design est celui qui répond à une contrainte », affirme Sandrine de Laage, la directrice artistique de Rouvenat. Pour cette maison parisienne du XIXe siècle relancée en 2022, après un siècle de sommeil, elle a habilement imaginé des collections convenant à des gemmes de taille et de forme diverses.
Cela donne des pendentifs ou des bagues en rosaces d’or lisse et brossé qui peuvent accueillir indifféremment une pierre centrale de 3, 4 ou 5 millimètres de diamètre, selon les arrivages. Ou bien des bagues ajourées dont un cadran en laque sera capable de ceindre aussi bien un péridot de taille « émeraude », une tourmaline de taille « coussin » ou une aigue-marine de taille « ovale ».
Des gemmes récupérées auprès d’un réseau de revendeurs que l’experte en pierres de Rouvenat, Claire Portais, a établi entre Paris, Genève et Idar-Oberstein, en Allemagne. « Quand on cherche, on trouve beaucoup d’anciennes pierres fines ou précieuses inexploitées. Mais peu de négociants sont organisés et ont gardé des certificats ou des photos permettant leur traçabilité », souligne cette dernière, qui dit sentir « lentement monter dans le milieu le désir pour les pierres vintage ».
Parmi les poids lourds de la place Vendôme, Louis Vuitton a été le seul à trompetter qu’un bijou d’épaule, porté sur le tapis rouge par l’actrice Cate Blanchett, à Cannes le 20 mai et à Venise le 28 août, avait été façonné à partir de 80 perles et de 633 diamants « issus de trois anciennes pièces de haute joaillerie ». Un premier pas. A ce jour, toutefois, l’intégralité des lignes Vuitton vendues en boutique se compose de gemmes de première main.
Valentin Pérez
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